Le vent passa doucement dans ses cheveux. Il frissonna et leva la tête, une once de tristesse traversant furtivement ses yeux couleurs prune. Au-dessus de lui, les nuages se rassemblaient peu à peu en une lente course dans le ciel azuré, insensibles aux malheurs de ceux qu'ils surplombaient.
Sa journée enfin terminée, il pouvait cesser d'être celui qu'on voulait qu'il soit et s'évader quelques instants le temps d'une marche dans les rues. Sans y prendre garde, il passa devant nombre d'affiches le représentant : «Usui en concert» ; «Le nouvel album d'Usui : à ne pas manquer !».

Non, il n'avait pas la tête à cela, aujourd'hui. Ses sarcasmes n'avaient pas peuplé cette journée. Il n'en avait pas même le goût. Car, aujourd'hui, était un jour bien spécial, qu'il n'avait jamais oublié malgré toute ces années. Ce jour où son monde s'était écroulé.
Ryuke..., songea-t-il en marchant d'un pas d'automate.
Une goutte d'eau froide se déposa, fragile, sur son front où les traits traduisaient sa contrariété. Rapidement, une deuxième accompagna l'esseulée, puis une troisième, jusqu'à ce que des rideaux de pluie vinrent lui tremper le visage.
Il n'y prêtait guère d'attention et continuait à marcher, imperturbable.
Même le temps est avec moi aujourd'hui, pensa-t-il.
Un long frisson glacé lui parcourut l'échine lorsque les fines gouttelettes dont le froid tranchait tel le rasoir glissèrent le long de son cou. Tout autour de lui, les gens s'agitaient frénétiquement, l'un cherchant un endroit ou s'abriter, l'autre se hâtant de rentrer chez lui, parapluie en main. On le bousculait, on le poussait parmi la foule ; plus personne ne faisait attention à lui.
Il était seul. Comme il l'avait été ce fameux jour.


S'arrêtant à un passage piéton dont le feu rouge éclairait les milliers de larmes tombant du ciel grisâtre, les souvenirs se déversèrent soudainement en lui, incontrôlables.
Des images de ce passé douloureux défilèrent devant celui qui, les yeux perdus dans le vague, était le seul à pouvoir les voir.
Chassant ces pensées indésirables, il entreprit de traverser la rue qui se vidait peu à peu à mesure que l'orage s'intensifiait. Mais une fois traversée, il ne continua pas sa marche somnambule. Il resta là, pétrifié, devant ce qui était, sans aucun doute, son lieu de travail. L'endroit qu'il côtoyait tout les jours.


Une sonnerie stridente se fit entendre, accompagnée de son flot d'étudiants pressés d'en finir avec cette journée harassante. Il se posta au portail, silencieux, attentif. Peut-être cette journée s'égayerait-elle un peu à sa vue, qui sait ?


De longues minutes passèrent ; mais il restait de marbre, la pluie lui dégoulinant des cheveux. Soudain, alors qu'il s'apprêtait à partir, une forme indistincte sortit des locaux. Bobom.
Son coeur fit un bon dans sa poitrine, tant et si bien qu'il manqua de défaillir.
Bobom.
La silhouette se rapprochait, tandis que les battements de son coeur s'accéléraient. Peu à peu, ses traits se firent plus nets, plus marqués. Il s'agissait d'un homme aux cheveux couleur châtaigne, grand et mince.
C'est bien lui, se dit-il en se rapprochant du portail comme s'il pourrait ainsi se rapprocher du fruit de toute son attention.
L'homme ouvrit la portière d'une voiture, se retourna et cria :


«C'est bon, tu peux venir !»


A ces mots, une autre silhouette se dessina parmi les rideaux opaques de pluie.
«Tsuki», murmura Usui en un ton chargé de menaces. Il serra le poing. L'interpellé rejoignit en courant le premier venu et s'arrêta :


«Tu n'aurais pas dû, maintenant tu es trempé...
»

- Aller, dépêche toi de monter dans la voiture avant de l'être aussi, répondit l'autre qui l'abritait de sa veste en rapprochant son visage du sien.


- Arrête, on pourrait nous voir...!


- Peu m'importe», riposta-t-il en déposant un baiser délicat sur les lèvres du plus jeune homme.


Tsuki, rougissant comme tomate au soleil, s'engouffra précipitamment dans la voiture :
«Ryuke ! Rentre au lieu de m'observer comme ça ! ...C'est gênant.»


Celui-ci émit un petit rire avant de se pencher par la fenêtre :
«Je t'aime», dit-il simplement.


Au même instant, le tonnerre retentit au loin, menaçant. Malgré le vacarme assourdissant de la pluie sur le bitume, Usui n'avait pas raté un mot de cette courte discussion. Son poing se serra plus encore, jusqu'à ce que les jointures ne virent à l'écarlate. Tremblant de rage, il partit en courant, ignorant le froid qui lui mordait la peau et la pluie qui lui battait le visage. Cette douleur n'était rien, non, rien, comparé à celle qui s'insinuait peu à peu en lui comme un poison, froide comme la mort. Il n'en resterai pas là. Il ne le laisserai pas le lui voler. Une lueur malsaine s'enflamma dans son regard tandis qu'il s'arrêtait à l'angle d'une rue, essoufflé.


Ryuke est à moi, se dit-il avec un sourire narquois. (...)
 
----------
 
(...) Le soleil tapait sur ses épaules avec une chaleur réconfortante, le vent lui soufflait au visage comme une douce caresse. Il courait, sautait, évitait, aussi rapide et précis qu'un félin, décourageant ses adversaires épuisés. Atteignant les cages, il rassembla toute son énergie dans son pied flanqué d'une chaussure bleue à gros crampons, et propulsa le ballon à une vitesse prodigieuse ; dans les buts, le gardien n'avait aucune chance.


En effet. Sous le tonnerre d'applaudissements de la foule, il marqua le dernier but, qui sonnait également la fin du match. Ils avaient gagnés. Partout on se levait, on sautait de joie ; lui restait planté là, euphorique, un sourire béat se dessinant sur son visage. Après une foule de remerciements lui étant adressé, il se dirigea vers les vestiaires. Alors qu'il allait rentrer dans le bâtiment de béton, un homme, à-demi caché par l'ombre des murs, l'interpella :


«Eh, toi. Viens par là.


- Hein ? ...Vous êtes qui ?», trouva-t-il seulement à répondre.


Il s'avança. L'homme ne bougeait pas et semblait le fixer du regard. Un sentiment de malaise le pris ; qu'est-ce que c'était que ça ? Encore un fan complètement frappé ?


«Ecoutez, je ne sais pas qui vous êtes, et je dois rentrer me changer. Excusez-moi, dit-il à l'intention de l'homme avant de se retourner.


- Je ne peux plus attendre.»


Au même instant, le bras de l'homme agrippa son maillot trempé et l'attira vers lui avec force. Usui n'eut même pas le temps de réagir que l'autre le plaquait déjà contre le mur poussiéreux, lui arrachant un petit cri de douleur :


«Non mais ça va pas la tête ?! Qu'est-ce qui-»


Sans même lui laisser finir sa phrase, l'homme s'était jeté sur lui comme une bête affamé sur son repas.
Doux. Chaud. Humide.
Il frissonna et ouvrit grand les yeux. Il sentait les lèvres de cet inconnu se poser fougueusement sur les siennes, sa bouche s'entrouvrir pour venir se refermer sur la sienne avec désir. D'une main mal assurée, il le repoussa, au comble de la gêne, avant de lever les yeux pour découvrir l'identité de son agresseur avec stupéfaction :


«R...Ryuke...?


- Tu me repousses maintenant ? répondit celui-ci sur un ton amusé. Ca mérite une punition, tu ne crois pas ?»


A ces mots, il se rapprocha doucement de son visage jusqu'à ce qu'ils soient nez à nez. Puis, avec lenteur, il l'embrassa tendrement en fermant les yeux. Son coeur s'affola encore plus lorsqu'il sentit la langue de Ryuke s'immiscer peu à peu à la rencontre de la sienne. L'enlaçant de ses bras, il n'opposa plus aucune résistance. Non. Il était simplement heureux. Ryuke était de retour.
Le vent, compagnon silencieux de cette journée, les enveloppa de la chaleur de ce début d'après-midi, tel un cocon les protégeant du reste du monde. Il s'en alla ensuite, soufflant gaiement dans les branches des pins centenaires, faisant bruisser les feuilles des chênes ; colporter la joyeuse nouvelle à la nature silencieuse. Car, il est vrai, les braises de l'amour ne s'éteignent jamais.


*
Jamais..., pensa Usui en sortant de sa léthargie. Il leva la tête. Il se trouvait devant l'immeuble où habitait Ryuke et... Et ce Tsuki.

Il ne savait pas vraiment pourquoi il était venu là, mais la rage qui l'avait saisi il y a de cela deux jours, devant le portail de cette école, ne l'avait toujours pas quittée. Oh non, loin de là. Elle s'était même intensifiée.
D'un pas décidé, il franchit le seuil du bâtiment et, non sans hâte, se dirigea vers la porte de l'appartement de Ryuke. Il hésita quelques instants. Il savait ce qui allait se passer s'il appuyait sur cette sonnette ; il n'obtiendrais soit aucune réponse, soit un de ces regards noirs que Ryuke savait si bien faire, avant de se faire claquer la porte au nez. Mais qu'importe. Qu'avait-il à perdre ?
Ding dong.
Un bruit de pas se fit entendre ; on s'approchait prudemment. Quelques instants plus tard, des clés tournèrent dans la serrure et un jeune homme aux cheveux noirs de geais entrouvrit la porte, stupéfait :


«Usui... Stalk ?! Que faites-vous là ?»


Hm. Ce gamin me facilite la tâche, songea Usui avant de répondre :


«J'ai à te parler. Ca te dérangerais si j'entre ?


- Euh... B-bien sûr que non ! s'enquit Tsuki avec un petit sourire gêné avant de l'inviter à rentrer.


- Merci bien.»


S'avançant dans la pièce, il observa attentivement son lieu de vie. Celui qu'il aurait dut partager avec lui. La décoration était simple mais de qualité. La cuisine donnait sur une petite salle à manger, qui, au-delà d'une arche de bois, donnait sur le salon où un grand canapé rouge avait été disposé au centre de la pièce. Plus loin, une télé, avec à son côté une porte de bois moulu légèrement entrouverte. Intrigué, il l'ouvrit et découvrit une jolie bibliothèque remplit de livres. Il refoula une envie de rire. Ryuke n'avait pas changé. Il s'assit sur le petit canapé installé dans un coin de la pièce et attendit Tsuki, qui était partit faire du thé.


Celui-ci le rejoignit, tasses en main, alors qu'il était plongé dans une profonde réflexion. Tout en servant le thé brûlant dans une des tasses de porcelaine, Tsuki demanda :


«Et... Qu'est-ce qui vous amène ici, au juste ?»


Usui releva la tête et le regarda un instant. Une furieuse envie de le rouer de coup le démangeait, mais il se contrôla. Il y avait bien mieux pour accomplir ses desseins.


«Je voulais te parler, comme je l'ai dis tout à l'heure. En privé. Ryuke n'est pas là, à ce que je vois ?


- Non..., il est allé faire une course. Il reviendra d'ici une dizaine de minutes je pense», répondit Tsuki en s'installant sur un fauteuil qui faisait face à son invité.


Parfait, pensa Usui. Il se pencha légèrement en avant et, après une gorgée de thé, fixa Tsuki d'un regard insistant :


«Je connais Ryuke depuis longtemps, comme tu le sais. Je peux même me vanter de le connaître par coeur. Or...»
Il coupa un moment, le temps de reprendre une nouvelle gorgée du liquide brûlant :


«Je ne vais pas y aller par quatre chemins. Tsuki, je te le dis pour ton bien : Ryuke se joue de toi.


- Q...Quoi ? Pardon ? répondit Tsuki, surpris, manquant de s'ébouillanter.


- Je l'ai vu, à la soirée de son anniversaire. N'as tu pas remarqué qu'il t'as ignoré une bonne partie de la soirée, en présence de ses amis ? Tsuki, après tout, il est bien plus âgé que toi. Penses-tu vraiment qu'il allait s'engager dans une relation sérieuse avec toi ?


- Mais... C'est faux, je...


- Je ne soutiens pas ce comportement, ne t'en fais pas, le coupa Usui. Je trouve ça aussi stupide que toi. Mais, en toute amitié, Tsuki : ne te laisse pas berner. Tu n'es qu'une amourette passagère pour lui.»


Quel naïf, pensa Usui en réprimant un sourire. Ses mots l'avait touché droit au coeur ; même s'il n'en montrait rien, ses gestes trahissaient sa confusion : il tremblait en le resservant de thé et se recroquevillait inconsciemment sur son fauteuil. Versant un peu de sucre dans sa tasse, il repassa à l'attaque. Le jeu en était presque trop facile.
 
(...)


Le cliquetis des clés tournant dans la serrure se fit entendre. La porte s'ouvrit et, chargés de nombre paquets, Ryuke rentra, sourire aux lèvres. Après avoir enlevé son manteau et avoir déposé les paquets sur la table en bois, il chercha Tsuki du regard.
Hm, peux-être est-il retourné se coucher, pensa-t-il en souriant de plus belle. Se dirigeant vers la chambre, il s'arrêta soudain, entendant par la porte restée entrouverte deux voix distinctes provenant de la bibliothèque.
«...Tsuki ?», lança-t-il à leur intention.
Il se rapprocha doucement. Un ami ? Un camarade ? Tsuki ne lui avait jamais dit que quelqu'un venait à la maison. Il s'arrêta à quelques centimètres de la porte ; il ne lui fallut pas une minute pour reconnaître cette voix. En proie à une folie furieuse, il ouvrit grand la pauvre porte qui vint frapper violemment le mur de la bibliothèque.
«Usui», cracha-t-il à l'intention de l'intrus. Tsuki se releva, quelque peu effrayé.
«Il est arrivé il y a quelques minutes de ça..., je ne pouvais pas le mettre dehors tout de même, dit prudemment Tsuki.
- Qu'est-ce que tu fais là ? poursuivit Ryuke sans même prendre la peine d'écouter Tsuki, qui se rembrunit.
- Je pense que, si nous somme venus dans cette pièce, c'est pour discuter en privé, mon cher Ryuke. Donc, c'est plutôt à moi de te poser cette question. Hein, Tsuki ? répondit Usui sur d'un ton sarcastique.»
Ignora la provocation d'Usui, Ryuke s'avança pour prendre Tsuki dans ses bras :
«Tout va bien ? lui demanda-t-il.
- Euh, oui, je...»


Ryuke ne le laissa pas finir ; pleinement conscient de la présence d'Usui, il l'embrassa goulument. Tsuki ouvrit de grands yeux, rougissant malgré lui. La tension augmenta d'un cran dans la pièce.
«Que... Ryuke ! Arr... Lâche moi !», gémissait Tsuki, en vain.
Il se fout de moi, cet..., fulminait Usui en serrant rageusement sa tasse de thé.
Quand Ryuke eut relâché son étreinte, Tsuki s'empressant de trouver toutes les excuses possibles pour expliquer le geste, avant de reculer en direction de la sortie :
«Booooon, je... je... je vais faire à manger ! Il se fait tard non ? Ha, ha, ha...!»
Il fila hors de la pièce, en proie à un rire nerveux.

Un silence pesant s'installa alors que les deux hommes se toisaient du regard. Ryuke fut le premier à le briser ; d'un ton glacial, il demanda :
«Qu'est-ce que tu lui as fait ?»
Posant tranquillement sa tasse de thé, Usui se leva et se rapprocha lentement de Ryuke :
«Moi, rien... Je lui ai simplement... Ouvert les yeux, dirons-nous ?
- Je t'interdis de l'approcher», répondit Ryuke du tac-au-tac.
Ils étaient à présent nez-à-nez, l'un comme l'autre se fixant du regard.
«Ouh, j'ai peur, lança Usui en lui saisissant le bras.
- Ne me touche pas», dit soudainement Ryuke en pesant chacun de ses mots.


Usui hésita un moment, relâchant le bras de Ryuke. Ils n'y avaient qu'eux dans la pièce, le gamin avait fui, et... Et une irrépressible envie de le serrer contre lui l'empêchait de réfléchir clairement.
Qu'est-ce que j'ai à perdre, après tout ?, se répéta-t-il pour lui même.
«Ryuke...», dit-il en passant ses mains sur le visage de celui-ci, sa bouche effleurant la sienne.
Il n'eut pas le temps pas le temps d'aller plus loin. Ryuke le saisit au col et avança sur plusieurs mètres en le soulevant, poing levé :
«J'ai dit : ne-me-touche-pas, répèta-t-il d'un ton rauque.
- Alors vas-y, frappe ! Frappe moi !», lui lançant Usui.
Je le tiens, se dit Usui.


Dans son regard avait en effet passé un éclair d'hésitation. Le poing tremblant, il lui lança l'un de ses regards noirs qu'il ne connaissait que trop bien, mais le coup ne partit pas. Usui sourit :
«Tu ne veux pas me frapper... Parce que tu m'aimes encore !
- Tais-toooooi !», hurla Ryuke en lui écrasant ses phalanges contre sa mâchoire.
Ils reculèrent tout deux, Ryuke haletant, et Usui se tenant la tête d'une main, sonné. Reprenant ses esprits, il plongea son regard dans le sien :
«Je t'ai connu plus confiant, lui lança-t-il en massant doucement sa mâchoire.
- La ferme. Je n'ai pas été clair avec toi à l'époque ?! Va t'en !», cracha Ryuke en se dirigeant vers la porte.
Non. Non. Ne t'en vas pas, pensa Usui.


Alors que Ryuke allait ouvrir la porte, Usui se précipita et la referma de justesse en la martelant de son poing, juste au-dessus de la tête de Ryuke. Il se pencha en avant, sa bouche touchant presque son oreille :
«C'est pour toi que je suis venu, lui glissa-t-il.
- Qu'est-ce que ça change ?!», répondit Ryuke, cachant sa gêne. Il devait s'éloigner de lui. Sinon...
Usui se rapprocha un peu plus de Ryuke, son épaule s'appuyant contre la sienne :
«Tsuki ne t'aimes pas, dit-il comme s'il lui disait l'heure.
- Ne joue pas à ça avec moi ! le menaça Ryuke en se retournant face à lui.
- Je ne joue pas, Ryuke, reprit-il d'un ton plus sérieux. J'ai discuté avec lui. Tsuki ne se laisse faire que par gentillesse et parce qu'il te doit beaucoup. Tu ne comptes pas le forcer à faire ce dont tu as envie ?
- Tu mens, c'est tout ce que tu sais faire ! s'écria Ryuke, de moins en moins à l'aise.


- Ryuke. Je suis sûr que je peux te prouver mes dires. Tsuki n'assumes en rien votre relation ; à quoi crois-tu que cela est dû ? Il accepte que tu le touche seulement parce qu'il est chamboulé, après avoir définitivement perdu sa famille – si mes sources sont exactes.»
Ryuke baissa sa garde, assailli par les mots qui sortait de la bouche d'Usui. «Il ne t'aime pas», «Tu le forces». Après tout... Cela ne détenait-il pas une part de vérité ? Il ne voulait pas y croire et relayait toujours cette pensée au placard lorsqu'il y pensait, mais... Tsuki... Ne l'aimait peut-être pas, en finalité?


Il s'affaissa légèrement, dos à la porte, et baissa la tête, ses traits changeant soudainement comme s'il avait été la tristesse même.
Après tout..., pensa Ryuke, Usui a peut-être raison.
«Je peux te donner beaucoup plus que lui...», murmura Usui en se rapprochant de lui.
Ryuke n'y opposait plus de résistance. Passant sa main sous son t-shirt, Usui remonta lentement le long de son flanc en emportant avec lui le tissu qui recouvrait sa peau nue.
La tristesse ne quittait pas le visage de Ryuke, qui se laissait faire, tel un pantin désarticulé. Descendant son autre main dans son dos, Usui rapprocha son visage de l'épaule de Ryuke et remonta lentement :
«Ryuke...», lui souffla-t-il en passant doucement sa langue dans son cou.
Ryuke frissonna, et tenta désespérément de le repousser. En vain : son corps ne lui répondait plus. Usui ayant alors franchi son ultime barrière, il s'abandonna à ses avances.
Après tout..., Tsuki ne m'aime peut-être pas, pensa-t-il dans un dernier éclair de lucidité.

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Affairé à couper les légumes rapporté par Ryuke, Tsuki n'avait pas vu l'heure passer. Ce ne fut que lorsque l'horloge sonna qu'il se rendit compte que cela faisait maintenant une bonne heure qu'Usui et Ryuke discutait, à l'intérieur. Il jeta un coup d'oeil à la porte de la bibliothèque, toujours fermée.
Pas de quoi se faire un sang d'encre, se dit Tsuki à son intention, ils ont juste besoin de s'expliquer.
Il repensa au baiser de Ryuke et apposa sa main sur ses lèvres. Se rendant compte de son geste, il rougit et continua maladroitement à couper les légumes.
Mais, Usui m'as dit que...
Il s'arrêta, et fixa la courgette qui lui faisait face, ne sachant plus que penser. Dans le salon, le téléphone sonna, le tirant soudainement de ses pensées. Il se précipita, fouillant le canapé et envoyant valser les coussins qui le recouvraient grassement.
Il s'emparant du téléphone rugissant une sonnerie abrutissante et s'empressa de décrocher :
«Allô ?
- Tsuki ? C'est toi ? C'est Nana !
- Nana ! Comment vas-tu ?, s'enquit Tsuki, soudainement plus jovial.
- Parfait ! Le voyage était superbe, comme je l'avais imaginé. Mais j'aurais une faveur à vous demander, à tout les deux...
- Pas de soucis ! Qu'est-ce qu'il se passe ?, demanda Tsuki et s'asseyant sur le canapé.
- Eh bien, comme mon appart' est en travaux, est-ce... Que ça serait possible de venir passer la nuit chez vous demain ? Je ne vous dérangerai pas ! Promis !, dit-elle d'une voix suppliante.
- Ca me pose aucun problème ! Attend deux petites minutes, je vais demander au maître des lieux, répondit Tsuki, une teinte d'ironie dans la voix.
- D'accord !»
A ces mots, Tsuki se dirigea vers la bibliothèque, et ouvrit grand la porte. Sans même prendre le temps de s'assurer qu'il ne les dérangeais pas en pleine discussion, il s'écria :
«Ryuke ! Nana demande s'il est possible qu'elle vienne dormir ici dem-»
Il ne finit pas sa phrase, manquant de tomber lorsqu'il se pris les pieds dans un t-shirt étalé devant l'entrée.
Que... C'est le t-shirt de Ryuke ?!, se dit-il en relevant la tête.
«Ryu...», commença-t-il, mais sa voix s'étrangla à la vue de ce qui se déroulait ici.
Ryuke était couché, dos au parquet, il semblait effondré ; tandis qu'Usui, une lueur étrange dans les yeux, était accroupi sur son ventre nu. Ignorant l'intrus, celui-ci embrassa Ryuke avec un naturel déconcertant, avant de relever la tête en direction de Tsuki.
Que..., pensa Tsuki, affolé.
Sous la surprise, il lâcha le téléphone qui finit sa course contre le parquet récemment ciré.
«Allô ?, pouvait-on y entendre. Allô ? Tsuki ?! Tu es là ? Allô ?!»
Mais il ne répondait pas. Incapable de bouger, il fixait Usui, abasourdi, aucun son ne pouvant sortir de sa bouche.
Pourquoi...?, se demandait-t-il simplement.
Comme s'il s'agissait d'un effort surhumain, Ryuke tourna la tête dans sa direction, et d'une voix rocailleuse, murmura :
«Tsuki...»

Une larme scintillante coula lentement sur son visage blême avant de disparaître dans son cou.
Qu'avait-il fait...?

 _ END ONE SHOT